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Detail of a high rise in Montreal. By Phil Deforges at https://unsplash.com/photos/ow1mML1sOi0

Véhicule autonome : L’attribution de la responsabilité dans le cadre juridique québécois

Au Québec, à qui pouvons-nous attribuer la responsabilité des dommages causés par des véhicules autonomes lors d’un accident? Le cadre législatif québécois doit adapter ses régimes de responsabilité du fabricant et personnelle afin de faire face au développement technologique des véhicules autonomes.

Mise en contexte

En avril 2018, l’adoption du a encadré partiellement le déploiement des véhicules autonomes (« VA ») au Québec. La loi permet aux voitures munies de systèmes de pilotage automatisé capables d’analyser leur environnement de sillonner librement nos routes cahoteuses (). De plus, le déploiement des véhicules à automatisation élevé avec intervention humaine en cas d’urgence et totalement autonome est permis dans le cadre de projets pilotes (). Depuis, de navette autonome ont été déployés au Québec et un autre est prévu . d’une navette autonome en banlieue de Toronto en décembre 2021 a ravivé les craintes et les questionnements concernant l’attribution de la responsabilité des dommages causés par ces véhicules. Ainsi, il est nécessaire d’évaluer la capacité du cadre législatif québécois d’attribuer adéquatement la responsabilité personnelle et du fabricant des dommages engendrés par les VA. De plus, l’attribution d’une personnalité juridique aux agents autonomes sera explorée brièvement comme alternative au cadre actuel de responsabilité.

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Responsabilité personnelle

Les sources de fautes dans les accidents de VA sont attribuables en partie à un individu peu importe la cause : les erreurs algorithmiques des programmeurs, un manque de vigilance lors de la supervision d’un véhicule ou des erreurs humaines externes. La responsabilité personnelle du fait autonome des choses représente la tension constante entre qui est responsable et s’il est possible de lui imputer la responsabilité. Cette tension est présentée à l'article 1465 du Code: "Le gardien d'une chose est tenu de réparer le préjudice résultant du fait autonome de cette chose, à moins qu'il ne prouve qu'il n'y a pas faute."

En vertu de l’article 1465 du Code, le conducteur du VA pourrait être tenu responsable. Toutefois, le développeur ne se verrait pas attribuer de responsabilité, car il ne serait plus considéré comme le gardien de la chose. Dans le cas des VA, les dommages causés par la défaillance du système seraient rarement imputables au programmeur puisque la principale qualité de l'IA est son caractère autonome. De plus, le conducteur n'aurait pas commis de faute à moins qu'il ordonne à son produit doté d' de causer des dommages. Le conducteur (ou le gardien) ne sera pas tenu responsable (même si sa responsabilité est présumée), car la défaillance du système d'IA sous sa supervision sauf s’il n’a pas suivi les directives d’utilisation du fabricant. Néanmoins, le préjudice doit être réparé d'une manière ou d'une autre, sinon la victime porterait les fruits de l'injustice.

Une interprétation plus large du terme « autonomie » dans le Code pourrait pallier à cette déresponsabilisation personnelle des utilisateurs et programmeurs de VA. Dans le Code, le terme « autonomie » fait référence à un mouvement physique sans intervention humaine, mais l’interprétation pourrait être élargie afin d’inclure « ». Cette interprétation responsabiliserait les utilisateurs et les programmeurs des VA en plus d’éviter que les victimes d’accident ne puissent pas entreprendre des recours en dommage.

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Responsabilité du fabricant

Les fabricants de VA désirent généralement s’exonérer de leur responsabilité et ils ont de bonnes chances d’y arriver sous le Code civil québécois (« Code »). En effet, le législateur a cherché à amenuiser le fardeau des innovateurs en les tenant responsables uniquement des risques qu’il aurait dû raisonnablement connaître selon l’état de connaissance actuel (art. 1473 C.c.Q.). Toutefois, il est difficile d’évaluer la connaissance raisonnable des risques liés à des algorithmes d’apprentissages profonds (ou l’IA) guidant les VA puisque les développeurs ne peuvent expliquer l’ensemble des raisonnements de ces algorithmes. Cette protection n’est pas infaillible, mais elle offre la possibilité au fabricant de se décharger de sa responsabilité lors de la mise en marché des algorithmes de conduite autonome.

Les fabricants ne retirent pas de bénéfices pécuniaires de l’augmentation de l’explicabilité des décisions de leurs VA. Ainsi, il leur est plus rentable de se concentrer au développement effréné d’algorithme plus puissant et plus fiable plutôt que d’en assurer leur explicabilité d’après le proverbe : « ». Les individus victimes de préjudices causés par des VA seront incapable d’identifier la faute causée par ces véhicules dus à l’inexplicabilité de ces systèmes de conduite.

Heureusement, le régime de responsabilité sans faute pour les préjudices subis par des biens commerciaux (art. 1468 C.c.Q) et le permettent de diminuer le fardeau des individus. Les victimes n’ont pas à établir la faute d’un algorithme pour être dédommagées. Ce régime est perçu comme un outil nécessaire à l’attribution de la responsabilité des préjudices causés par les VA dans les quarante états américains où le régime sans faute n’est pas applicable. Toutefois, une problématique est engendrée par le caractère public du régime d’assurance québécois. Ce régime est financé par les cotisations des conducteurs humains ce qui excluent les fabricants de VA bien qu'ils font maintenant partie des « conducteurs » pouvant causer des accidents. Ainsi, les fabricants de VA devraient dû à leur rôle grandissant dans la circulation routière. À l’inverse, un conducteur humain paierait indirectement pour les accidents engendrés par les VA.

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La personnalité juridique

Devant la hausse de projets pilotes de véhicules presque totalement autonomes, des débats circulent autour de la question: faut-il donner une personnalité juridique aux agents autonomes utilisant l’IA? La thèse en faveur de aux algorithmes d'IA se base sur l’impossibilité de contrôler entièrement ces agents autonomes. Cette impossibilité justifierait l’attribution de droits et d’obligations malgré que les agents autonomes aient toujours un propriétaire. Cette personnalité pourrait s’apparenter au statut de personne morale donné aux entreprises québécoises. La personnalité juridique des algorithmes d’IA donnerait aux individus la possibilité de les poursuivre directement. Toutefois, ces algorithmes n’ont pas de patrimoine donc la personne ayant subi un préjudice n'obtiendrait pas la réparation appropriée. Transposer la personnalité juridique des entreprises à l'IA ne ferait que donner un outil supplémentaire aux développeurs d’échapper à leurs responsabilités.

Ainsi, il serait plus avantageux de se concentrer sur l’adaptation du régime de responsabilité à cette nouvelle réalité pour que celui-ci puisse tenir responsables les personnes ayant causé des préjudices. Les régimes de responsabilité doivent élargir l’interprétation anthropocentriste des provisions actuelles du Code pour inclure les particularités des agents autonomes. Il est nécessaire de lier le caractère autonome engendré par l’IA et l’associé à une entité corporative ou un individu afin qu’il n'y ait pas un flou de responsabilité.

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Conclusion

Le cadre législatif québécois n’est pas adapté faces aux innovations engendrées par les VA, mais sa modernisation pourrait pallier à ses lacunes :

  • Le rĂ©gime de responsabilitĂ© des gardiens des choses nĂ©cessite une modernisation de sa dĂ©finition de l’« autonomie » au contexte actuel d’IA afin d’être applicable.
  • Le rĂ©gime sans faute quĂ©bĂ©cois permet aux individus de diminuer le fardeau de leur preuve et de ne pas subir la faute du fabricant.
  • Le Code permet aux fabricants de bĂ©nĂ©ficier grandement de l’exception de responsabilitĂ© pour les innovations. Toutefois, une plus grande explicabilitĂ© des algorithmes des VA permettrait de tenir les fabricants responsables en cas de faute.
  • Il est contre-productif de doter les agents autonomes d’une personnalitĂ© juridique afin d’amĂ©liorer l’attribution de la responsabilitĂ© des prĂ©judices causĂ©s par des VA. Cette responsabilisation doit passer par l’adaptation des rĂ©gimes de responsabilitĂ©s actuelles.

Devant l’automatisation grandissante de ces véhicules, il sera également important de déterminer la responsabilité des fabricants de VA vis-à-vis la . Les fabricants qui utilisent ces données et qui ne les protègent pas adéquatement devront être tenus responsables de la même manière que pour les dommages causés par leurs voitures.

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